Payé par la Russie, comme nous le rappelle un éditorial de Thomas Legrand dans Libé ce 21/08/2023, Nicolas Sarkozy, fort de son statut d’ancien président multi-condamné, distille dans son dernier livre et dans les média la petite musique des idiots utiles de Poutine, en plaidant comme Elon Musk pour une sortie de conflit qui constituerait un blanc-seing à une guerre de conquête menée par un dictateur sans scrupule.
Je me suis d’abord souvenu de cette vidéo saisissante de juin 2007 où, dans la suite immédiate d’une entrevue avec Vladimir Poutine lors du G8 en Allemagne, au cours de laquelle, on le découvrira plus tard, ce dernier l’avait insulté et menacé personnellement, Sarkozy était apparu pour une conférence de presse, blafard, suant, titubant, totalement déboussolé.
Et puis en fouillant dans mes archives, j’ai retrouvé ce texte, publié en 1999, quand Poutine a pris le pouvoir. Près d’un quart de siècle plus tard, je réalise que tout était écrit, du mode de fonctionnement de l’ancien KGBiste du Kremlin, et de la tolérance de certains de nos dirigeants pour « les pouvoirs forts à forte teneur identitaire et prévaricatrice ».
« Fin décembre 99, mouillé jusqu'au cou avec son entourage dans un scandale financier sans précédent, le détournement d'environ quinze millions de dollars généreusement versés par le contribuable occidental dans le but présumé de venir en aide à la population russe, Boris Eltsine, entre deux comas éthyliques, démissionne au profit d'un apparatchik sorti de nulle part, ex-agent du KGB, séduisant comme une barquette de surgelés avariés et populaire comme le choléra. Le nouveau président par intérim va occuper sa première journée de travail à signer une bordée de décrets garantissant l'impunité totale et définitive à son prédécesseur, avant de relancer une guerre coloniale en Tchétchénie dans le seul but de faire appel à l « âme slave » en galvanisant le peuple contre un ennemi extérieur désigné comme responsable de tous les maux du pays. Trois immeubles sont opportunément détruits par les bombes des « terroristes tchétchènes », justification d'un déchaînement de bombes sur Grozny, puis d'une campagne de terreur visant à démoraliser et à anéantir toute une population civile. La presse russe muselée, les journalistes étrangers comme les organisations humanitaires maintenues éloignées des lieux des massacres, Vladimir Poutine avance dans la foulée les élections prévues de longue date afin de bénéficier de l'aura liée à sa férocité tout en court-circuitant les possibilités de révolte d'une opposition mal-en-point. Peu à peu, pourtant, malgré les habituelles dénégations offusquées des dirigeants russes fulminant contre les ingérences extérieures et le comité de soutien organisé par tout ce que l'intelligentsia russe compte de prébendiers et autres nostalgiques d'un nationalisme intransigeant, des détails commencent à filtrer sur les exactions auxquelles l'armée russe se livre sur les civils. Et, fait sans précédent, certains hauts représentants étrangers dénoncent les crimes contre l'humanité perpétrés "en temps réel" par les russes, pourtant détenteurs du pouvoir nucléaire et, à terme, bon partenaires économiques dans un univers de plus en plus mondialisé où ventes d'armes et trafics de capitaux priment depuis longtemps sur toutes considérations humanistes. Dans ce cortège de récriminations souvent feutrées, Jacques Chirac invite Poutine en France tandis qu'Hubert Védrine plaide sans élever trop la voix pour une solution négociée au conflit tchétchène. Mais s'il est un homme politique occidental que les scrupules n'étouffent pas, c'est bien Tony Blair, qui n'a pas hésité à s'afficher à Moscou auprès de son ami Vladimir Poutine, image qui, l'on s'en doute, a beaucoup fait pour miner le crédit des détracteurs de ce dernier auprès d'une population russe déboussolée et politiquement analphabète après trois-quart de siècle de communisme éclairé. Tony Blair, qui a tenu à féliciter personnellement Poutine après son élection. Tony Blair, dont le gouvernement a utilisé de tous les artifices possibles pour permettre à un autre criminel contre l'humanité, Augusto Pinochet, de finir ses jours tranquillement au Chili. Aussi, au lieu de placarder des affiches demandant à ce que Vladimir Poutine soit traduit en justice pour crimes contre l'humanité, la Federation Internationale des Ligues des Droits de l'Homme gagnerait du temps, et de la crédibilité, en pétitionnant en faveur de l'inculpation de Tony Blair pour complicité. »
Les Russes sont des Slaves, ils sont différents de nous, nous répète Nicolas Sarkozy. Effectivement. Ils n’ont pas, eux, la possibilité de dénoncer clairement la position d’un chef d’état comme une complicité criminelle.
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